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Trabalhan ambc l’occitan

Jean-Brice Brana

Chef du pôle Langue et Société du Congrès permanent de la langue occitane à Pau

Quel est votre parcours ?

« Je suis né en 1979 à Pau et j’ai été élevé dans un petit village au nord de Pau où j’ai entendu les anciens parler béarnais. J’avais la conscience d’être béarnais depuis tout petit mais il me manquait la langue. J’ai commencé à la parler pour la première fois à 17 ans en option occitan au lycée. Quand j’ai eu le bac, je suis parti en licence de lettres modernes option occitan, j’ai découvert un monde complètement incroyable ! J’ai passé le CAPES [NDLR certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré] en 2001, mais je ne l’ai pas eu et heureusement, parce que ce n’était pas ce que je voulais faire. Il y a de la place pour d’autres choses aussi. Après la licence, j’ai travaillé à l’InÒc quatre ans pour faire de la médiation culturelle entre Basques et Gascons. En parallèle de mon travail, j’ai validé une maîtrise de lettres option occitan. J’ai aussi suivi pendant deux ans les cours du soir à l’IAE, Institut d’administration des entreprises de Pau. J’y ai passé un master d’administration des entreprises en 2007, en occitan de plus ! »

En quoi consiste votre travail ?

« Je travaille au Congrès permanent de la langue occitane depuis le début de l’année. Le Congrès est l’autorité de régulation de la langue occitane qui travaille entre autre sur le traitement automatique de la langue numérique et qui met à disposition tous les outils en ligne pour faire vivre la langue tels que dictionnaire, conjugateur, correcteur automatique, traducteur automatique ou encore clavier prédictif pour les smartphones. Je travaillais à l’InÒc depuis 2002. J’ai pris en 2005 la suite de quelqu’un qui travaillait au pôle langue et société de l’InÒc, poste que j’occupe aujourd’hui. L’InÒc est un opérateur régional qui a pour mission de soutenir et développer la pratique de la langue et de la culture occitane. Cette année, il y a une fusion entre l’InÒc et le CIRDOC de Béziers. Dans ce contexte, il y a une clarification des compétences en mettant d’un côté la culture au CIRDÒC-InÒc et la langue au Congrès. Cela ne change pas grand-chose pour moi concrètement, parce que les deux structures sont au même endroit, elles sont différentes juridiquement mais nous travaillons ensemble. »

Quelles sont vos missions ?

« J’ai quatre missions. La première est de valoriser le patrimoine à travers la toponymie. Ensuite il y a la terminologie, qui est l’adaptation de la langue au monde postmoderne en grâce au travail sur plusieurs lexiques qui portent sur des domaines humains spécifiques. C’est par exemple un lexique de l’internet, un lexique de l’environnement ou de l’espace public. Puis il y a l’affichage de la Bona annada, qui est une campagne en version papier et en version numérique pour sensibiliser à la valorisation de l’occitan. Enfin le plus gros travail est la fonction de conseil et traduction. L’affichage et la traduction-conseil sont deux choses dont ne s’occupait pas le Congrès auparavant. »

Qui vient vous voir pour avoir des conseils de traduction ?

« Nous recevons surtout des demandes des collectivités territoriales, mais aussi d’associations, d’entreprises, de producteurs, de particuliers. La nature du travail peut être très diverse, cela peut être de traduire un site internet, de faire des traductions touristiques avec des audio-guides, de traduire les panneaux d’un chemin de promenade, de vérifier l’orthographe d’un mot. Il arrive que nous ayons des demandes de particuliers qui ne parviennent pas à comprendre un texte. Nous avons aussi des demandes de tatouage en occitan. »

Quelles sont les qualités nécessaires pour faire ce travail ?

« Il faut être un bon expert, maîtriser la partie linguistique ou culturelle. Il faut s’adapter aux évolutions technologiques de la société, mais aussi se tenir au courant des modes et tendances. Il faut prendre du plaisir, il faut savoir savourer quand les choses avancent et parfois il faut savoir prendre des coups. Car ce n’est pas facile de défendre une langue minoritaire, il y a toujours la nécessité de rappeler que l’occitan est une langue une et diverse, que nous pouvons l’appeler aussi béarnais et gascon ; qu’il y a plus d’une façon de l’écrire et que ce n’est pas un problème. Il faut faire preuve de pédagogie dans cette période transitoire. Parfois, nous pouvons trouver que les choses ne vont pas assez vite, nous avançons toujours trop lentement mais toutefois nous avançons. C’est comme le vélo, si on ne pédale pas, on cale. Il faut sortir d’une posture de victimisation. Il faut avancer, c’est comme cela que nous sommes vivants. »

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

« La diversité de mes activités, le fait que je puisse côtoyer des gens différents, des élus, des gens du domaine public, des gens du domaine privé, associatif, des gens de tous âges. L’occitan est une ouverture, c’est une façon d’aller vers les autres. Moi je suis très asocial, mais je serais malheureux d’être tout seul toute ma vie (rires). J’ai besoin comme tout le monde de moments de solitude mais je ne suis jamais aussi heureux que quand je rends des gens heureux. »

Est-ce qu’il y a quelque chose dont vous êtes particulièrement fier dans votre travail ?

« Une idée que j’ai eue en entrant à l’InÒc était de faire parler une personnalité en occitan gascon au balcon pour les fêtes de Bayonne pour faire entrer l’occitan à la fête. Cela a commencé en 2004, et aujourd’hui il y a 30 000 à 40 000 personnes qui répètent « Baiona ! Baiona ! etc. » en occitan quand la personne est au balcon. C’est très symbolique mais cela redonne une place à la langue. Sinon en dehors de mon métier, j’ai aussi des responsabilités associatives. Je suis président du CFPÒc Nouvelle Aquitaine qui est spécialisé dans la formation professionnelle et les cours pour les adultes pour forger des locuteurs complets en occitan. Je chante aussi dans un groupe de polyphonie qui s’appelle Balaguèra. Finalement, ce sont des façons différentes de faire avancer la cause, de faire avancer la langue occitane. Je me pense comme le maillon d’une chaîne. »